jeudi 5 avril 2012

L'invité du blog


Le port du voile dans le football : une question qui divise…

Par Daniel CHOLET

Episode 1/2:  Le port du voile dans le football : régression ou émancipation des femmes ?

Alors que le football féminin est en plein essor dans le monde entier, notamment depuis le mondial 2011 allemand, une loi émanant de la FIFA pourrait changer les mentalités dans cette discipline. Il s’agit d’une loi autorisant officiellement le port du voile (seulement le hijab) pour les joueuses dans les rencontres internationales. Elle pourrait être votée le 2 juillet lors
d’une réunion spéciale de la FIFA.




Mais cette loi représente-elle une avancée ou une régression, pour d’un coté la condition des femmes,  et d’un autre l’universalité du sport ?

Chronologie des faits

L’idée du port du voile pour les joueuses a été proposée, le 24 octobre 2011 à Amman, lors d’un séminaire sur le football, par un des vice-présidents de la FIFA, le Prince Ali Bin Al Hussein de Jordanie. Ce séminaire a fait suite à deux faits divers sportifs datant d’Août 2010 et du début 2011, où l’équipe féminine d’Iran a été exclue des JO de la jeunesse et des qualifications pour les JO de Londres 2012, pour avoir porté un équipement sportif non conforme. En effet, les joueuses étaient couvertes de la tête aux pieds. La conclusion de séminaire a donc été de qualifier le hijab de signe culturel et non de signe religieux comme c’était le cas depuis des années.

Par ailleurs, deux mois plus tard, le 17 décembre, lors d’un comité exécutif de la FIFA portant notamment sur le développement du football féminin à travers le monde, le Prince Ali Bin Al Hussein, a été invité à faire une présentation sur le port du voile dans le football à l’occasion de l’assemblée annuelle de l’International Football Association Board (IFAB : instance garante des règles du football et de leur évolution dans le monde). Le hijab n’ayant plus de connotation religieuse puisqu’étant considéré comme un signe culturel, la réglementation de la FIFA n’était donc pas transgressée.

Lors de cette assemblée, le 3 mars dernier, l'IFAB a soutenu l’idée d’autoriser le port du voile dans les compétitions de football féminin. On parle maintenant d’un hijab version sport attaché par une bande Velcro au lieu d'épingles, qui devra passer des séries de test de sécurité pour être validé.
La loi en question devra être votée par la FIFA le 2 juillet prochain lors d’une réunion spéciale de la FIFA.

Un projet soutenu par les organisations internationales au nom de l’émancipation

Cette mesure a reçu le soutien complet de l’ONU, via le conseiller spéciale de Ban-Ki-Moon, Mr Lemke. Pour lui l’autorisation du port du voile « ferait disparaître une barrière qui peut empêcher les femmes et les filles de participer au football […], et donnerait un exemple positif ». De plus « Cela donnerait l’opportunité à de remarquables athlètes féminines de démontrer que porter un voile n’est pas un obstacle au succès dans la vie et le sport, et contribuerait à mettre en question les stéréotypes liés au genre et à entraîner un changement de mentalité ». 
Ainsi, au nom du développement de la pratique du football, la FIFA, l’IFAB, et l’ONU suivent la devise « le football pour tous, tous pour le football », soit « une femme voilée plutôt qu’une femme absente ».

Pour Jens Juul Petersen, coordinateur de programme pour l'ONG danoise Cross Cultures Project Association, cette mesure serait un facteur d’intégration pour les femmes musulmanes. Pour lui, des millions de femmes et de jeunes filles pourront « vaincre la discrimination », et être des symboles dans la lutte pour l’égalité hommes/femmes. Dans un récent article, il nous rapporte ce que lui a dit une volontaire du projet Cross Cultures : « Je veux changer l'impression selon laquelle les filles qui portent le hijab ne peuvent rien faire d'autre que s'asseoir à la maison [et être] tranquilles. En pratiquant un sport, nous pouvons changer la donne et nous exprimer ! »

Pour le journaliste Curtis R. Ryan du journal Foreign Policy, conscient des pressions sociales qui pèsent sur les femmes dans de nombreuses régions du monde comme l’Iran ou l’Arabie Saoudite, il pense que dans des pays comme la Jordanie où le hijab n’est pas imposé, cette loi permettrait de réduire l’exclusion des femmes musulmanes qui ne peuvent pas participer à des compétitions sportives internationales pour représenter leur pays.

Une mesure synonyme de régression pour les organismes féministes

Le projet de la FIFA a une toute autre interprétation pour Asma Guenifi, présidente de « Ni Putes Ni Soumises ». Dans plusieurs interventions médiatiques sur ce sujet elle dénonce cette mesure car elle considère le foulard comme « une régression totale » et parce que selon elle, « on touche là à la dignité des femmes ». Elle craint que cette mesure ne soit qu’une première étape avant que d’autres sports ne soient bientôt touchés. En outre, Asma Guenifi s’interroge sur les motivations de la FIFA d’accepter de changer son règlement, et sur l’impact du « lobbying intense des pays riches du Moyen-Orient » dans cette décision.

En effet, quand on lui parle de l’effet d’émancipation de cette loi, la présidente de « Ni Putes Ni Soumises » répond que « non, une fille qui pratique un sport doit respecter des règles. On se doit d’être en phase avec certaines valeurs et le sport véhicule des symboles universels ». Avant d’ajouter « Souvenez-vous de l’athlète algérienne Hassiba Boulmerka aux JO de Barcelone en 1992. Elle avait été menacée par les islamistes, car elle avait couru en short. Elle avait répondu que ça lui ne viendrait pas à l’esprit d’entrer dans une mosquée avec un short, mais que sur une piste d’athlétisme, elle respectait les règles ».

Même son de cloche pour la présidente de la Ligue du droit international des femmes, Annie Sugier, pour qui cette mesure n’est pas en accord avec les valeurs véhiculées par le sport. : « La politique et la religion n’ont pas leur place dans le sport car des gens meurent chaque jour en raison de leurs convictions politiques et religieuses. Le sport est l’un des rares domaines qui soit encore épargné et il doit le rester ».

On peut regretter en outre  que « les femmes » soient exclues lors des discussions au sein de la FIFA et l’IFAB sur ce sujet qui les concerne au premier plan.


Et vous, pensez vous que le port du voile pour les joueuses de football soit un facteur d’exclusion ou un facteur d’intégration ?

Et vous, pensez vous que le port du voile pour les joueuses de football soit une régression pour la condition de la femme ou une émancipation ?


Retrouvez dès demain le deuxième épisode : La neutralité du sport remise en question ?


2 commentaires:

  1. Le sujet est en effet très compliqué à trancher et d'est bien que vous ayez parlé des différents points de vue! Pour ma part, je suis d'accord avec les organismes féministes et la réponse de l'athlète algérienne Hassiba Boulmerka me semble tout à fait être l'argument juste à mettre en avant dans ce genre de situation. Chaque institution a ses règles et l'important est de les respecter.

    MK

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  2. comme le dit l'article : les femmes ne sont pas conviées au débats !!!.
    C'est cela le plus grave.

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