lundi 5 mars 2012

Politique


La proposition qui fait trembler le football français

La semaine dernière, François Hollande, candidat du Parti Socialiste à l’élection présidentielle 2012, a proposé de taxer à hauteur de 75% les revenus des foyers fiscaux qui déclarent plus d’un million d’euros annuel.
Cette proposition surprise a été très mal accueillie par les footballeurs, potentiellement concernés, ainsi que par les dirigeants du football français, qui annoncent la mort du football hexagonal en cas de passage à l’acte.
Si d’un point de vue idéologique, une telle mesure peut évidemment se défendre, cela entrainerait inévitablement le départ à l’étranger des meilleurs footballeurs évoluant en France.
 
Vers la mort du football français ?
En cas d’application, cette mesure devrait toucher entre 7 000 et 30 000 personnes en France selon Pierre Moscovici, le directeur de campagne du candidat socialiste. Cette nouvelle tranche d’impôt sur le revenu ne concernerait donc qu’une petite minorité de contribuables très privilégiés.
La proposition permettrait de dégager entre 200 et 300 millions d’euros, soit une goutte d’eau par rapport au budget de l’Etat français voir de la dette du pays qui approche aujourd’hui les 1 800 milliards d’euros. Ce serait donc une mesure purement symbolique envoyée à l’attention des ultra-riches présents sur le territoire français.
Selon le journal L’équipe, parmi les personnes visées par cette éventuelle mesure, il y aurait plus d’une centaine de joueurs de Ligue 1.
Dans les colonnes du quotidien sportif, Fréderic Thiriez, président de la Ligue de Football Professionnel n’y va pas par quatre chemins en déclarant : « Si cette proposition aboutit, le Championnat de France serait évidemment relégué en Deuxième Division européenne. Ce projet, ce serait la mort du football français. Passer de 45% à 75% serait sans précédent en Europe, et nos meilleurs joueurs, qui sont sur un marché mondial, partiraient ».
Le principal problème se situe bien à ce niveau-là. Depuis des années, le football français souffre face à la concurrence des autres grands championnats européens à cause d’une fiscalité déjà plus contraignante que celle de ses voisins. Avec cette mesure, il est évident que les meilleurs joueurs qui sont généralement les mieux payés, iraient immédiatement voir ailleurs.
D’ores et déjà, de nombreux sportifs français comme les tennismen s’exilent, notamment en Suisse où ils bénéficient du fameux « forfait fiscal ». Cette imposition forfaitaire est établie en accord avec l’administration en fonction de leur train de vie. Certaines conditions sont nécessaires, comme l’obligation de passer un certain temps sur le territoire Suisse et de ne pas y exercer une activité lucrative. Mais ce type d’exil ne pourrait pas convenir aux footballeurs, qui iraient plus simplement là où les clubs sont plus riches qu’en France.
Bien entendu, il n’est pas question dans cet article de plaindre les joueurs de football qui touchent en moyenne 46 000€ par mois en Ligue 1, soit environ 550 000€ par an. Mais dans un marché mondialisé, la compétitivité des clubs, comme celle des entreprises, est un élément incontournable à prendre en considération.
Avec une telle décision, le départ de certains joueurs en Angleterre ou en Espagne pourrait se faire rapidement et être très préjudiciable pour les meilleurs clubs du championnat. Le PSG, l’OL ou l’OM pourraient ainsi voir leurs effectifs se vider de leurs meilleurs éléments, avec pour conséquence des performances et un spectacle en berne, que ce soit en Ligue 1 ou en Coupes d’Europe. De tristes perspectives d’avenir, alors que la Ligue 1 est en train de prendre une autre dimension avec l’arrivée d’investisseurs et surtout la construction pour l’Euro 2016 de stades de nouvelle génération à Lyon, Lille, Bordeaux, et Nice et la rénovation du Stade Vélodrome et du Parc des Princes, entre autres.
L’idéologie ne doit donc pas balayer une triste réalité : si les joueurs les mieux payés s’en vont, ils ne payeront plus du tout d’impôts en France. Ce sera donc tout simplement un manque à gagner pour l’Etat. Pour illustrer cela, prenons un exemple atypique : lorsque l’on évoquait l’arrivée probable de David Beckham au PSG, son salaire certes indécent de 800 000€ bruts mensuel faisait polémique. Pourtant, sa venue aurait rapporté plus de 4 millions d’euros par an en impôts à la France, sans aucun investissement, car son salaire aurait été payé par les Qataris… Et inutile de préciser que cette somme aurait pu financer quelques aides sociales.

De nombreuses réactions
Dans Le Parisien, le joueur parisien Christophe Jallet, qui gagne environ 1,2 millions d’euros par an, déclarait : « Si on était soumis à ce régime, on aurait forcement l’impression de travailler pour pas grand-chose. (…) Moi, je n’ai braqué personne pour avoir ce que j’ai ».
Ce type de raisonnement démontre deux choses. Premièrement, les footballeurs vivent sur une autre planète où règne l’individualisme, et où ils n’ont aucune conscience de la valeur de l’argent et des salaires que touchent les gens « normaux », dans la « vraie vie ». La deuxième réflexion découle de cette première analyse : les footballeurs n’auront aucun scrupule à aller voir ailleurs, là où on leur proposera autant voire plus que ce qu’ils gagnent déjà.
Il est certain qu’un tel taux, quasi-confiscatoire si on y additionne la CSG, l’ISF et d’autres taxes et impôts, marque une volonté de freiner, voire de supprimer les revenus supérieurs à un millions d’euros par an dans le pays. Alors la question que l’on doit se poser est la suivante : préfère-t-on voir des ultra-riches payer des impôts en France où les voir aller payer des impôts ailleurs ?
D’après certains agents, l’ensemble de l’activité du football professionnel  rapporterait plus de 600 millions d’euros en impôts et charges chaque année. On comprend donc qu’un exode massif entraînerait inévitablement un important manque à gagner pour l’état.
Michel Seydoux, le patron du LOSC, affirmait de son côté la semaine dernière qu’un « footballeur, c’est comme un grand acteur. Il est rare, donc bien payé, car il fait des entrées et distrait les gens ». L’inquiétude du président lillois peut aisément se comprendre. Alors que son club grossit saison après saison et devrait inaugurer son nouveau stade de 50 000 places à la fin de l’été 2012 -qui a couté la bagatelle de 324 millions d’euros-, une politique fiscale trop sévère pourrait ruiner ses espoirs de faire de son club un grand d’Europe.
Même son de cloche chez Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais. Dans un entretien au Républicain Lorrain, il a fait part de son indignation : « C’est contrariant, choquant. Dans une concurrence européenne, comme dans une entreprise, les gens intelligents vont là où ils ont les meilleures conditions de rémunération. (…) On va dégoûter les meilleurs ».
D’autant plus qu’en attendant des départs éventuels, ce serait aux clubs de payer l’addition. En effet, les footballeurs font régulièrement stipuler dans leurs contrats qu’une modification des règles fiscales en vigueur dans le pays où ils signent serait prise en charge par le club.
Seul l’ancien footballeur Vikash Dhorasoo à l’air de se montrer satisfait par une telle proposition qui ne le « choque pas ». Soutien de François Hollande pour 2012, l’ex milieu de terrain estime que puisque c’est la crise, « on doit aller chercher l’argent là où il est ». Une déclaration qui semble être un peu facile, alors qu’il a gagné des millions pendant toute sa carrière et qu’il est aujourd’hui revenu à une certaine réalité.

Mélenchon va encore plus loin
Pour Jean-Luc Mélenchon, cette proposition va dans le bon sens mais reste largement insuffisante. En effet, le candidat à la présidentielle du Front de Gauche propose dans son programme une mesure bien plus stricte : il souhaite taxer à 100% les revenus au-delà de 360 000€ bruts annuels, soit 30 000€ par mois.
Cela reviendrait donc à imposer un plafond salarial dans tous les secteurs de l’économie. Heureusement pour les footballeurs, les chances du député européen d’accéder au second tour de la présidentielle sont suffisamment faibles pour ne pas les inquiéter.

Après la suppression du DIC, vers une augmentation de la taxe Buffet ?
En 2010, le droit à l’image collective (DIC) était supprimé alors qu’il permettait aux clubs professionnels d’obtenir une exonération de 30% sur les charges sociales. Mise en place en 2004, la mesure avait pourtant été reconduite en 2008.
Cette décision avait déjà entrainé une polémique, puisque le DIC devait initialement s’appliquer jusqu’en 2012. A l’époque, les dirigeants du football et du rugby français s’étaient indignés de voir se dégrader la compétitivité du sport français. Cette mesure avait entrainé une augmentation de charges de 40 millions d’euros pour les clubs de football et de 10 millions d’euros pour les clubs de rugby.
Mais ces derniers jours, le président de la LFP s’est à nouveau montré très inquiet. Il dénonce les projets de certains candidats à la présidentielle qui souhaiteraient aussi augmenter la taxe Buffet.
Cette contribution de 5% collectée par l’Etat sur les montants astronomiques des droits de diffusion de compétitions sportives comme la Ligue 1 est reversée au centre national pour le développement du sport. Grâce à cela les sports les plus riches comme le football, le tennis ou le rugby subventionnent le développement d’autres sports plus confidentiels.
Une augmentation de cette taxe serait un manque à gagner supplémentaire pour les clubs de football français, plus que jamais menacés.

Geoffroy MARTIN

14 commentaires:

  1. Je pense que cette mesure est faite pour attirer de nombreux électeurs qui ne comprennent pas forcément les enjeux d'une telle mesure.

    RépondreSupprimer
  2. Belle démonstration. Les footballeurs gagnent beaucoup trop de fric, c'est clair, mais je préfère qu'ils paient des impôts en France. S'ils se cassent, c'est la classe moyenne qui en payera les frais !

    RépondreSupprimer
  3. Magic Sytem 4-4-25 mars 2012 à 17:26

    Article bien construit.

    Cependant je ne pense que si Hollande ou Mélenchon soit (hypothétiquement) Président, ils appliqueraient de telles taxes.
    La mesure d'Hollande a pour but de flatter l'électorat de droite, celle de Mélenchon de rappeler au PS d'où ils viennent.

    Sinon je pense qu'une augmentation de la taxe Buffet serait une bonne chose.

    RépondreSupprimer
  4. Je suis totalement d'accord avec la logique de Mélenchon, riches, nos soeurs & frères ont faims, donne ton fric. On rétablira les revenus illimités quand on aura supprimer la pauvreté.

    En attendant c'est vraiment être une crevure de s'attacher à ses millions pendant que d'autres meurent de faims.

    RépondreSupprimer
  5. Et pendant ce temps là, CR7, Kaka, Benzema et consort profitent encore de la loi Beckham avec un taux d'imposition à... 24%

    RépondreSupprimer
  6. Qui se rend compte de l'argent que génère un tel sport? Qui comprend que cette argent doit être redistribué? Plus il est redistribué à ses acteurs ( les sportifs ) plus ceux-ci rapportent de l'argent à l'Etat. Les imposer plus, renvient à les chasser de la France et donc à ne plus rapporter d'argent, et par conséquent ne pas redistribuer aux Français( il ne faut pas oublier qu'il vaut mieux 1 000 personnes payant 1€ que 1 personne payant 100€ ).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Robin des Bois6 mars 2012 à 13:30

      Ok c'est sur mais on atteint des rémunérations qui sont déconnectés des réalités... Pourquoi payer si cher les joueurs ? À cause de la concurrence ! Mais si on se mettait d'accord avec les autres pays pour imposer un plafond on en serait pas la. Et peut être que les places de stade et les abonnements à Canal seraient aussi un peu moins chers !!!

      Supprimer
  7. On vous propose un tel salaire que faites vous? vous répondez non? je ne pense pas, vous prenez et puis c'est tout.

    RépondreSupprimer
  8. comme le dit l'article c'est un marche mondiale donc concurrentiel, et si u peux plus etre concurrentiel, c'est la mort de la ligue 1.Les politiques ont comme excuse que sa changera pas grand chose qu'on se face sortir en huitieme au lieu des quart de finale ça change pas grand chose.C'est la ou on se rend compte de l'incompetence de ces gens la, en gros ils nous disen qu'ils faut pas progresser et rester dans notre mediocrité, c'est le message qu'il passe et pas seulement pour le sport mais egalement les uat domaines, enfin moi c'est l'effet ue ça me fait, toujours accuser un systeme et de gens et jamais se remettre en question.

    RépondreSupprimer
  9. Tant mieux j'espère bien qui va la faire passer du vent ces enfants qui pleure alors que il y en a qui gagne a peine 1000 euros par mois c'est du grand n'importe quoi jallet une merde pareil qui touche 1 millions mais ou va le monde.

    RépondreSupprimer
  10. Tout le monde veut leur place alors arretez

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est clair, quelle hypocrisie !!!! Tant mieux s'ils sont riches tant qu'ils payent des impôts. 4 millions d'euros d'impôts si Beckham était venu apparemment : ça en fait des RSA !!!

      Supprimer
    2. Si d'un côté Hollande fait gagné 5-6 millions à la France mais en perds disons le double où se situe le gain hormis une mesure pour flatter son électorat. Qu'il commence en réduisant les salaires des élus et autres avantage et après on pourra parler de salaire. En France comparativement au USA on a 4 fois plus de députés et sénateurs que l'on réduise tout çà

      Supprimer
  11. MartinMar 5, 2012 12:20 PM

    Et pendant ce temps là, CR7, Kaka, Benzema et consort profitent encore de la loi Beckham avec un taux d'imposition à... 24%

    ------------------------------------------------

    L'espagne est en effet un bon exemple avec deux clubs comme le Real Madrid CF et le FC Barcelona qui se pavanent pendant que la moitié des jeunes du pays sont au chômage. Super d'avoir 2 grands clubs européens quand tout le reste fait faillite dans le pays.

    RépondreSupprimer