mercredi 8 février 2012

L'invité du blog

Mercato d’hiver 2012 : comment les clubs font-ils face à la crise ?

Par Daniel CHOLET


Ce weekend de football nous a permis de voir les premières prestations d’une partie des joueurs transférés lors du mercato hivernal. Une bonne occasion d’observer et de commenter cette édition 2012...
Touchés eux aussi par la crise, la plupart des clubs de football s’oriente vers des types de transfert « low cost ». Seuls les clubs soutenus par de riches propriétaires réalisent d´importants investissements. Les chiffres le prouvent : le mercato hivernal reste actif mais pèse moins lourd financièrement.

Episode 2/2 : le mercato d’hiver 2012 en Espagne, Allemagne et Italie

En Espagne
La crise qui frappe le pays s’est nettement ressentie au niveau de l’activité du marché hivernal. Conséquences directes : les deux plus gros transferts de l’hiver sont ceux de Maxwell qui est arrivé au PSG pour 4 M€, et de José Antonio Reyes qui retourne au FC Séville pour 3,5 M€. Des joueurs qui ne font vraiment pas partie du gotha européen.
Pour ce mercato, la Ligue Professionnelle de Football espagnole a délivré 74 licences, dont 40 ont été enregistrées le 30 et le 31 janvier. La Liga Adelante (la deuxième division espagnole) a été plus active que la Liga BBVA avec 46 opérations d’arrivées, contre seulement 28 pour l’élite. Les clubs les plus actifs sont Saragosse (5 arrivées) et le Rayo Vallecano (4 arrivées). A l’étage inférieur, c’est la réserve de Villareal (Villareal B) qui s’est le plus renforcé avec 9 nouveaux joueurs.
Les clubs se sont notamment tournés vers des joueurs nationaux : sur les 74 licences délivrées, 47 le sont pour des Espagnols. L’autre communauté fortement représentée est celle des Brésiliens avec pas moins de 7 joueurs enregistrés. Notons qu’en Liga BBVA, un peu plus de la moitié des joueurs sont originaires de l’étranger (15 sur 28 arrivées), dont 3 qui arrivent du seul club de Neuchâtel Xamax, qui vient récemment de déposer le bilan.
Comme en France, les prêts ont pris une place importante dans le marché, ils concernent 19 arrivées sur 74. Les transferts se limitent eux à 5 opérations, le reste étant des signatures obtenues auprès de joueurs libres.
Le mercato espagnol se fait donc plus discret et calme. Pour preuve, l’attitude des deux géants de la Liga qui n’ont tout simplement pas bougé pendant le mois de janvier. L’année dernière, Malaga avait fait son show. Ils recrutaient coup sur coup le gardien de but Sergio Asenjo, le défenseur Martin de Michelis en provenance du Bayern Munich, les milieux de terrain Nacho Camacho et Enzo Maresca, et surtout le providentiel Julio Baptista qui permit en fin de saison de sauver le club de la relégation grâce à ses performances de buteur. Le Real Madrid s’était déjà contenté du prêt d’Adebayor et le FC Barcelone de l’arrivée d’Afellay.
Même si le Real Madrid et le FC Barcelone rayonnent sur la planète football, la vie des clubs de la Liga, petits et moyens, est parfois difficile. Ce mercato 2012 en fait la démonstration.
Sportivement et économiquement, les deux mastodontes que sont le Real Madrid et le Barca, écrasent la première division espagnole. Ils ont gagné les sept dernières éditions, depuis la victoire en 2004 du Valence de Canizarez, Marchena, Baraja et Albelda. Mieux, ils ont remporté 23 des 27 dernières Liga. Au niveau du budget, ils culminent a plus de 400 M€, alors qu’un club comme Levante tourne autour de 20 M€.
Alors qu’au niveau international, « la Roja » est devenu un exemple en termes de jeu et de résultats en remportant le Championnat d'Europe 2008 et la  Coupe du Monde 2010, les réalités quotidiennes sont toutes autres dans le championnat national.
De plus en plus de joueurs sont impayés. D’ailleurs, en aout dernier, des footballeurs espagnols ont fait grève pour demander entre autres le versement de 50 M€ de salaires impayés. Autre observation, plus d’un quart des clubs de l’élite sont actuellement en redressement judiciaire, dont les trois promus : le Real Betis, le Rayo Vallecano et Grenade. Cela est dû notamment à trois choses : une mauvaise gestion financière et commerciale, un abus concernant les lois de cessation de paiement, et une répartition très inégalitaire des droits TV en Liga BBVA.

En Italie et en Allemagne
Il est à noter qu’en Italie, ce sont les « gros » qui se sont montrés, mais les opérations sont surtout des prêts.
Le Milan AC s’est renforcé (Muntari, Strasser, Mesbah et Merkel), la Juventus de Turin a avant tout dégraissé (Iaquinta, Motta, Toni, Amauri et Pazienza) pour seulement trois arrivées (Borriello, Caceres et Padoin), alors que l’Inter Milan a opté pour les deux options (arrivées de Juan, Palombo, Guarin ; et départs de Motta, Muntari, Jonathan, Viviano et Coutinho).
Sur les 20 joueurs mentionnés, seuls 3 ont été des transferts, le reste étant des prêts, des retours de prêts, des copropriétés, et des fins de contrat.
En Allemagne, le gros animateur a été le Wolfsburg de Francisco Javier Garcia Sanz (membre du « Board of Management of Volkswagen AG »), avec les arrivées notamment de Giovanni Sio pour 5 M€ (FC Sion), et Adelino André Vieirinha pour 4,5M€ en provenance du PAOK Salonique.

Quelles conclusions tirer de ce mercato d’hiver ?
L’observation du déroulement de ce mercato et du comportement des différents championnats ne fait que confirmer une situation économique difficile.
Paradoxalement, on constate que le nombre d’opérations durant ce marché des transferts n’a pas chuté mais a légèrement augmenté. L’activité est restée conséquente, notamment en France et en Angleterre.
Cependant, on note que le nombre de transferts de type « low cost » a connu une forte hausse avec la multiplication des prêts et des opérations sans indemnités de transfert, qui concernent les joueurs libres ou en fin de contrats. Les mouvements recensés en Espagne en sont la preuve, tout comme en France à un degré moindre.
Mais le nombre d’opérations n’est pas le seul critère à prendre en considération. C’est pourquoi il faut aussi notamment étudier le montant des sommes investies dans ces trois championnats.
La Premier League et la Liga BBVA en sont des exemples frappants. Le championnat anglais a connu une diminution de 70% des investissements, alors que le second n’a réalisé que 5 transferts avec indemnités.
Ainsi, la plupart des clubs essaient de rester actifs mais avec des objectifs sportifs à court terme. Ils doivent particulièrement se renforcer en vue de la deuxième partie de saison, et n’ont plus autant de moyens pour investir, en tout cas lors d’un mercato d’hiver, sur le moyen et le long terme. Les contraintes économiques leur imposent de se contenter de petits ajustements et d’éventuels « bons coups » sur le marché des transferts.
Cependant, ce climat économique morose ne concerne pas tous les clubs. Certains continuent d’investir, et ne semblent pas connaître pas la crise. Ces clubs ont tous un profil similaire : ils ont un mécène derrière eux. Il s’agit, pour ce mercato, du Chelsea de Roman Abramovitch, des Queen’s Park Rangers de Tony Fernandes (président d’Air Asia), du Paris Saint Germain de Qatar Sports Investments et du Monaco de Dmitry Rybolovlev. A un degré moindre, au vue des transferts réalisés, on peut parler du Manchester City du fond d’investissement d’Abu Dhabi, du Tottenham de Daniel Levy, ou du Newcastle de Mike Ashley.
On réalise donc que le mercato hivernal est boosté par quelques clubs. Conséquence : une activité très hétérogène et le développement d’une fracture entre les petits et les gros clubs, sportivement et financièrement parlant, même si cela a toujours existé.
Mais le véritable changement vient du fait que les acteurs financiers du mercato hivernal ne sont les plus gros clubs historiques que sont Liverpool, le Bayern Munich, Manchester United ou le Real Madrid, mais les clubs soutenus par de richissimes investisseurs.
En Europe de l’ouest, ces clubs sont Manchester City, Chelsea, le PSG ou bien Monaco alors qu’en Europe de l’est, ils se nomment le Dynamo Moscou (achat pour 19.5 M€ Balazs Dzsudzsak ancien du PSV Eindhoven), le Lokomotiv Moscou (arrivés de Roman Pavlyuchenko pour près de 10 M€) voir le Zenith Saint-Petersbourg, le Shakhtar Donestk, ou bien d’Anzhi Makhatchkala (moins en vue cette année).
Ainsi les clubs de haut de tableau qui ne bénéficient pas d’un soutien financier particulier ne sont pas ou plus aussi actifs, comme en témoigne la faible activité d’Arsenal ou de l’OL. Ils adoptent plutôt le comportement traditionnel de clubs de milieu de tableau en se montrant prudents et discrets.
Selon le Cabinet Deloitte, ces phénomènes peuvent en partie être expliqués par la volonté des clubs de répondre aux standards fixés par le « fair-play financier » de l’UEFA. D’ici trois ans, ils devront présenter des finances équilibrées. Ainsi, de nombreux clubs anticipent la nouvelle réglementation, et essaient de s´y conformer au plus vite.
Une autre explication vient du fait que les clubs et les ligues sont de plus en plus endettés. Selon le cabinet AT Kearney, les grandes ligues de football européennes sont dans le rouge, et ne sont pas gérées correctement : « en fonctionnant comme des entreprises normales, les ligues d'Espagne, d'Angleterre seraient mises en faillite en moins de deux ans ».
Les clubs doivent donc trouver des nouveaux modèles économiques. Dans un rapport  datant de 2009, l’UEFA observait que les pertes des clubs européens étaient en forte hausse pour environ 90% d’entre eux, et que les pertes cumulées atteignaient 1,2 milliard d'euros, soit une hausse de 85% par rapport à 2008.
En 2009, 56% des clubs étaient déficitaires, contre 48 % en 2008, alors que les revenus n’ont jamais été aussi élevés (11,7 milliards d’euros). La principale cause de ce constat alarmant serait un alourdissement global de la masse salariale des clubs (64 % des charges en 2009).
La crise qui touche les clubs européens, dont le mercato hivernal est un indicateur, est similaire à la crise financière actuelle. Par conséquent les comportements de la plupart des clubs ressemblent à ceux des acteurs de la société.
Les clubs essaient donc de faire des économies et de réaliser de bonnes affaires. D’ailleurs, on peut considérer qu’une forme de solidarité se développe : de nombreux clubs n´hésitent pas à se prêter des joueurs entre eux en facilitant les prêts et en libérant certains joueurs. Néanmoins, il est très probable que cette attitude ne perdure pas à long terme.
Le fair-play financier sera un des grands thèmes à surveiller prochainement. Les clubs joueront-ils le jeu ?

4 commentaires:

  1. Le fair play financier ne s'appliquera malheureusement jamais. Pensez-vous vraiment que des clubs surendettés comme Manchester ou le Real seront pénalisés et ne joueront pas la ligue des champions par exemple?? C'est impossible, il y a trop d'enjeu financier derrière tout ça!

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    1. Je pense qu'il peut tout à fait s'appliquer; d'ailleurs le processus est de "conformation" des clubs est déjà en route.
      Que dit le fair-play financier? que les clubs ne peuvent dépenser plus qu'il ne "produisent", ou que la masse salarial ne doit pas atteindre un pourcentage trop élevé dans le budget.
      Le Real et MU sont dans le top 3 des clubs les plus rentables, ils peuvent donc facilement se conformer à cette réglementation. Ils n'auront qu'à un peu moins dépenser sur le marché des transferts.
      Je pense que le problème sera plus important pour des clubs comme Valence ou Manchester City, car leur diversification de recettes est faible, et leur merchandising ne vaut ceux du Real ou du Barca. Tout simplement leur modèle économique est foireux et non viable à long-terme.

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    2. Bari est magique8 février 2012 à 19:45

      Je crois pas du tout au fairplay financier. C'est un coup de com'

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  2. Jacquou le Croquant8 février 2012 à 14:36

    Perso je pense que si les droits de retransmission TV étaient mieux redistribués en Espagne (sur un modèle comme celui en France, bien plus équitable) on en serait pas là ! La crise n'explique pas tout, mais c'est clair que les clubs réflechissent à deux fois avant de recruter un joueur...

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